La maison natale.
Les membres de l’OuLiPo, dont beaucoup sont sources de citations pour Morgane Britscher, appelaient de leurs vœux une littérature combinatoire. Il ne faut s’étonner, alors, que le travail de cette dernière ne puisse être lu de manière linéaire.
Si l’on devait en tirer quelques fils, on évoquerait les petits riens, sorte de prosaïsme ou d’ironie du quotidien. Comme dans cette série sur les Zoos, où l’œil s’arrête sur un carrelage bleu roi ornant les murs d’une cage aux lions. Un second s’enroulerait autour de la thésaurisation. L’artiste propose en effet, une véritable archéologie, déterrant pour son projet Les Prémices des amas de feuilles, des carottes de sel, des images, leur adjoignant des textes ; croquant l’intégralité des objets décrits par Pérec dans W; ou procédant à un relevé exhaustif de l’horizon de son village natal.
Britscher se mue en géologue et thésaurise des paysages qui l’ont vu naître. La topographie est omniprésente dans Rue de Mulhouse, série de dessins, pour lesquels elle trace, d’un seul trait, les lignes des bâtiments de sa rue et formalise l’espace à la manière d’un Till Roeskens qui arborerait le manteau de douceur d’une Sophie Calle.
Il y a une vraie poésie dans ses travaux. Celle du conte Schwartze Kloster, que lui racontait sa grand-mère, source d’un travail pour lequel elle photographie, au fil des saisons, un relent de nappe phréatique, trace d’un océan de sel datant du Jurassique. La tectonique du sol y entraînera l’effondrement des maisons de son enfance, elle choisit d’en photographier Les prémices, et nous rappelle un chapitre du recueil d’Yves Bonnefoy, Les Planches courbes. Britscher se reconstruit d’un lieu l’autre : du Grand Est vers la côté de Delme. Et pourtant, le sel est toujours là, son goût qui reste aux lèvres, après une journée en cale douce. Celui de l’enfance et d’un lieu qu’elle appellerait Heimat. Je l’appellerai, quant à moi, celui de la maison natale.
Valentine UMANSKY, Commissaire indépendante, Auteure et Critique.
New York, novembre 2017.